mercredi 7 mars 2012

La saveur surette des secrets (1)

Dans les années 30, les gens avaient encore le goût du secret et de l'intrigue. Toute histoire d'amour qui se respectait, se devait d'être imbibée de mystère. Romantisme échevelé obligeait. Cela faisait partie des jeux amoureux et dans tous les aspects de la vie, la pudeur, la chasteté, la retenue étaient de mise. Aujourd'hui, il n'en est plus rien.
Fi des mystères, des badineries et des exaltations amoureuses, l'amour se consomme vite fait bien fait, entre la poire et le fromage. L'amour est devenu un produit. De première nécessité pour les uns. De luxe pour les autres. Un produit de consommation comme n'importe quel autre tout de même. Evidemment, cela manque de piquant, de pittoresque et un livre comme "Comment échanger des correspondances secrètes" n'a plus aucune raison d'être. Et pourtant...
Le caractère suranné et naïf de ce bouquin oublié, exerce sur moi une séduction inattendue. Je me demande si l'on écrit encore de nos jours, des lettres d'amour... Sans doute. En langage SMS ou par e-mail mais le parfum de l'encre séchée et les rondeurs friponnes de l'écriture se sont évaporés.
"Les lettres d'amour devraient toutes être écrites en langage secret. Elles sont inspirées par la passion et l'indifférent sous les yeux duquel elles peuvent tomber, y trouve toujours matière à stupide raillerie et à médisance", écrit l'auteur, Charles Lejay. CQFD. Il existe, en effet, une impressionnante panoplie de méthodes secrètes de correspondre. L'imagination en ce domaine semble ne connaître point de borne.
Chez les anciens Grecs, on supprime ainsi les voyelles pour les remplacer par un signe conventionnel ou des chiffres. Un peu simple. Et l'énigme eut aisément être mise à jour...
Les Romains possédaient d'autres techniques, et notamment celle qui consistait à inverser l'ordre naturel des lettres. "Je vous aime" devenait "ej suov emia". Ou encore à mettre à la place d'une lettre la suivante dans l'ordre alphabétique. Ne dites plus "je vous aime", écrivez "kf wpvt bjnf" !
Dans la France du XVIIIe siècle, les procédés étaient subtils et variés. La mode était aux chiffres et les mots du vocabulaire amoureux se voyaient numérotés. "Fidélité" correspondait au chiffre "20", "passion" au chiffre "30", "tendresse" à "40", "baisers" à "50", "adoration" à "100" et "mariage" à "200". Le billet doux s'écrivait dès lors : 100-30-20-200-50-40. Ce qui signifiait en clair : "Je vous adore avec passion. Je serai fidèle après le mariage. Tendres baisers."  Une combinaison secrète, en quelque sorte, qui déclenche l'ouverture du coeur. ©
(à suivre)

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